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LES HASARDS DE L'HISTOIRE, extrait nouvelle 4 : Au temps du roi des Corses

Théodore, 1732

Je n’aime pas le port de Gênes et ses venelles étroites et sordides englouties entre les façades des maisons et qui, sans crier gare, débouchent sur les quartiers chics réservés à l’élite de la République, avec leurs places immenses où les églises et les palais s’exhibent dans un luxe insolent.

Mais dans la basse ville, quand vous levez les yeux, vous n’apercevez qu’une mince bande de ciel qui s’insinue en serpentant entre deux bords de toits en vis-à-vis, comme si la ruelle y projetait son propre reflet en trompe-l’œil. La nuit venue, mieux vaut ne pas traîner dans ce dédale tortueux aux airs de coupe-gorge !

Aussi, après avoir jeté un œil prudent par-dessus mon épaule, pressé-je un peu le pas à la lumière chiche et sale d’un timide rayon de lune qui s’est frayé à grand’ peine un chemin jusqu’à moi. La taverne où m’attend mon informateur se trouve là, quelque part, perdue dans ce lacis.

Tandis que je chemine dans le froid hivernal de ce mois de décembre, mes pensées sont moroses.

Il est vrai que le sort n’aime pas se montrer clément à mon égard ! Pour preuve, cette union avec Élisabeth Sarsfield, censée me propulser au faîte du pouvoir, a été un échec.

Honnêtement, j’avoue y avoir contribué pour une grande part ! Les noces célébrées, la nouvelle baronne de Neuhoff s’avéra vaniteuse et hautaine et, de plus, peu portée sur les choses du sexe. Il n’en fallait pas plus pour que je renouasse avec mes habitudes. J’eus tôt fait de dilapider la dot de mon épouse dans le jeu, les orgies et les femmes.

Revenu à la case « départ », j’étais criblé de dettes et aux abois.

Alors, quand Ripperda, ignorant mes déboires, me remit sans méfiance des fonds pour acquitter une commande de matériel militaire, je ne pus résister et je les détournai.

Bien sûr, le pot aux roses fut vite découvert ! Obligé de quitter Madrid en catastrophe, j’abandonnai sur place mon encombrante épouse qui, je le sus plus tard, attendait un enfant et s’en fut à Paris pour mourir en couches avec sa fille mort-née.

Quant à moi, je ne fis qu’un bref séjour dans la capitale française, pour y récupérer des documents prouvant les tractations secrètes conclues entre le Tsar et Goertz avant la découverte du complot, puis gagnai la Hollande où je les monnayai un bon prix auprès du comte de Zinzendorf, chancelier de l’Empereur Charles VI.

Lesté d’une lettre de change de cinq mille florins, je pus mener grand train jusqu’à ce que mes dettes me rattrapent à nouveau. Fuyant mes créanciers, j’acceptai la mission que Zinzendorf m’offrit et qui me permettrait de quitter le pays sans être inquiété.

Chargé d’infiltrer les réseaux français et espagnols en Italie en vue de rapporter à l’Empereur leurs véritables intentions vis-à-vis des Génois et des rebelles corses, je débarquai à Rome puis allai à Florence, affublé d’un faux nom.

C’est ainsi que le baron Étienne Romberg, de retour en Hollande, eut à peine le temps de rendre compte de sa mission avant de fuir à nouveau, menacé de prison pour dettes.


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